Juillet. Elle savait qu’il y ferait chaud. Depuis l’hôtel situé au bord de l’Arno, ce fleuve romantique qui apportait une humidité rafraîchissante au petit matin, elle avançait dans les ruelles brûlantes, le macadam lui renvoyant cette odeur de goudron dégoulinant au soleil. Elle était comme anesthésiée par les degrés qui n’en finissaient pas de grimper. La chaleur enveloppait son corps. Lui revenaient en mémoire les séances au hammam, lorsqu’elle s’alanguissait sur les planches et se laissait vaincre par la brûlure des pierres bouillonnantes. La marche était pénible. Elle regrettait de ne pas avoir pris le bus. Elle sentait la transpiration qui, pas après pas, suintait de tous les pores et imbibait sa robe, en coton si léger. Elle s’était parfumée juste avant de quitter sa chambre. Un parfum frais, fleuri, qu’elle avait choisi juste pour l’été. Mais en arrivant au musée des Offices, ce délicat parfum s’était évaporé, l’odeur de transpiration avait pris le dessus. Si seulement elle pouvait se doucher avant d’entrer dans les salles du musée ! Elle se glissa dans la file, et instantanément, la nausée la prit au dépourvu. Ces odeurs humaines qui saturaient l’air encombraient ses poumons. Elle fut soulagée en franchissant enfin la porte qui ouvrait sur le hall, bien ventilé. Elle frissonna même dans sa robe encore humide. Quelles sensations contradictoires ! Elle était mal à l’aise, sentait que son corps lui envoyait un message d’alerte qu’elle ne parvenait pas à décrypter. La nausée semblait reculer, mais ses tempes battaient à un rythme soutenu. Elle se morigéna, il n’était pas question de s’écouter, elle était venue jusqu’ici pour réaliser un rêve : admirer les œuvres originales de Botticelli ! Allez, elle devait avancer et la beauté des toiles lui ferait oublier ces sensations désagréables.
Le parfum agaçant qui lui chatouillait les narines la fit revenir à elle. Elle se sentit tout à coup légère, comme si elle était allongée sur un lit de nuages. Le parfum mentholé s’insinuait dans ses bronches. Elle fit un geste de la main pour chasser elle ne savait quoi. Elle finit par ouvrir les yeux. La menthe poivrée les lui fit refermer aussitôt. Une voix de femme, au fort accent catalan, lui intima d’ouvrir les yeux. Elle comprit alors seulement qu’elle était allongée sur le sol. Avant de pouvoir se relever, elle reprit une grande inspiration de ce petit flacon, rempli de cet onguent que la femme, doucement, en chantonnant une étrange mélopée, lui apposait sur le front, les tempes, sous les narines et au creux des poignets. Il lui fallut encore quelques secondes pour comprendre qu’elle s’était évanouie. La femme lui offrit le flacon miracle. Il ne la quitta pas de son séjour. Si elle avait pu continuer à visiter tous ces lieux, c’est grâce à la fraîcheur que lui procuraient ces effluves enchanteresses. Elle se doutait bien qu’il n’y avait pas que de la menthe poivrée dans cette petite fiole. Mais elle avait compris qu’elle n’en saurait pas davantage : lorsqu’elle avait demandé à la femme qui avait pris soin d’elle de quoi était composé ce baume, le visage de celle-ci s’était fermé, et elle avait posé un doigt sur sa bouche.
2L.E