La fusée dans le bocal, écriture et théâtre à Reims
Ateliers créatifs à Reims, par Soraya Brière

Soraya Brière, ateliers créatifs à Reims

La carte


La carte

 

Dans la nuit noire, sur la pierre blanche, un point noir. Sur le point noir, des marques blanches, le regard noir...
Je me demandais encore où pouvait bien se trouver ce fichu trésor. J’avais demandé à Joe la carte, il m’avait donné ce caillou. Et j’étais empêtré dans mes suppositions, bon sang, un point noir au milieu de nulle part, des lignes blanches incompréhensibles ! Le destin m’avait conduit jusqu’à lui, Joe, sacré Joe, toujours embarqué dans des histoires pas possibles, des histoires à dormir debout. La dernière, c’était ce trésor introuvable. Mais on n’était plus au temps des corsaires, il faut t’enlever ça de ta tête ! Et puis, de fil en aiguille, je m’étais prêté au jeu. Un trésor ? Caché sur une île déserte ? Et voilà comment je me retrouvais au pied de cet arbre, en pleine nuit, face à ce minuscule rocher tout blanc, et énigmatique. Joe m’avait prévenu : « Tu trouveras la réponse au pied de l’arbre ! » Je crois qu’il était ivre, ce jour-là, mais je l’ai suivi dans son délire. Trois heures plus tard, près de l’arbre en question, je réfléchissais, je ruminais plutôt.
Dans la nuit noire, sur la pierre blanche, un point noir. Le regard noir, et la nuit blanche, fin de l’histoire ?

Je m’étais assoupi quelques instants ; quand j’ouvrais les yeux, ce n’était pas étonnant, mais il faisait encore nuit. L’idée du trésor, et de cette pierre, m’avaient réveillé. J’étais obnubilé par ce mystère. Mes yeux divaguaient dans le noir profond, et soudain, je crus voir au loin une forme blanche. Je me frottais les yeux, la fatigue... Mais non, un halo semblait se déplacer, s’approcher, vaciller, puis revenir avec plus d’intensité. Qu’est-ce que c’était ? Sur mes gardes, je fixais la lueur et je sentais l’inquiétude laisser place à l’angoisse. Une vision ? Un fantôme ? Un revenant ?
J’entendais maintenant craquer des branches mortes, souffler un léger vent ; les bruits de la forêt se répondaient et s’étaient mis à me signaler quelque chose. Et je la vis. Ses cheveux sombres et extraordinaires flottaient autour d’elle, elle avançait en tendant les mains et ses yeux brillaient comme des lumières, comment était-ce possible ? J’hallucinais, je cherchais à rester calme mais je frémissais toujours.
Qui était-elle ? Et que faisait-elle ici ?
Dans la nuit noire, sur la pierre blanche, un point noir. Début de l’histoire, silhouette blanche, qui va me croire.

Nous étions maintenant face à face. Je voulais parler mais les mots restaient coincés dans ma gorge. Je tremblais comme une feuille. Mes pensées s’étaient arrêtées. Et soudain, elle ouvrit lentement la bouche, et le miracle se produisit : sa voix s’éleva, belle et puissante, résonnant au milieu de la nuit, elle ne parlait pas, non, elle chantait ! J’étais si impressionné que je ne pouvais pas comprendre un traître mot de ses paroles. Pourtant, de temps en temps, des sons familiers sonnaient à mes oreilles ... île ... ancêtres ... histoire ... forêt ... pierre ...
Captivé, j’écoutais, les bras ballants. Puis elle se tut. J’avais tellement de questions à lui poser. Qui était-elle ? D’où venait-elle ? Pourquoi s’adresser à moi ? Et que voulait-elle me dire ? Elle se mit à me sourire et posa un doigt sur sa bouche. Chut. Elle désigna en silence la pierre blanche et s’agenouilla, poussa un soupir et la mit dans sa poche. Une fois relevée, elle me lança un regard joyeux, je crus entendre un « merci » et sa silhouette sembla s’estomper, elle n’en finissait pas de disparaître, je ne comprenais rien mais oui, elle partait.
Abattu, résigné, je m’asseyais à côté de l’arbre et m’endormais pour de bon.
Je suis sûr que je me mis à rêver. Je rêvais d’une curieuse façon, comme si tout devenait clair dans mon esprit, comme si le message chanté par l’énigmatique personne se confondait dans mes songes. Je voyais des bateaux et des navigateurs et une île. Une forêt paisible et une femme qui tenait une pierre blanche dans sa main. Elle peignait, y apposait des marques étranges à elle seule compréhensibles.
L’histoire de sa vie, l’histoire des siens, l’histoire de la vie.
Dans la nuit noire, sur la pierre blanche, un point noir. Qui va me croire, dans cette lumière blanche, un peu d’espoir.

 

Lidwine N.


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